Hélicoptères en Indochine

Publication : 6/05/2009 Auteur(s) : Papycoptere

A Saïgon, le 16 mai 1950 à 17 heures 50, le P.C. du GATAC Sud (Groupement Aérien Tactique) reçoit le message suivant « Vous demande évacuation par hélicoptère de deux blessés couchés secteur nord-ouest TAN UYEN, Coordonnées 340/850. DZ balisée ».
Aux commandes du Hiller offert par la ville de Bordeaux, le colonel Alexis SANTINI, à droite le général Lionel CHASSIN, commandant l'armée de l'air en Indochine - Photo DRQuelques minutes plus tard, le Lieutenant Alexis Santini décolle aux commandes de son Hiller 360 du Service de Santé pour accomplir la première mission confiée à un hélicoptère militaire Français.
Cela fait 54 ans que cette première sortie a été effectuée dans des conditions qui ne furent pas les meilleures. Pourtant le chemin pour en arriver là ne fut pas des plus simples.

En Indochine, le problème du sauvetage des blessés, auxquels il fallait éviter un long transport par voie de terre dans la difficile nature tropicale, avait amené l’Armée de l’Air et divers responsables militaires, comme ceux des Services de Santé, à songer aux Hélicoptères.
Alexis Santini aux commandes du Hiller UH12D "Volontaire - Jean Graffeuil" Indochine, en 1953 - Photo DRJusqu’à la fin 1944, des obstacles techniques aussi bien que financiers avaient retardé l’acquisition d’appareils à Voilures tournantes. Pourtant il fallait sauver un maximum de blessés. Cette tâche avait alors été confiée aux petits Morane 500 des Services de Santé.
Dans l’état de dispersion des troupes au début du conflit Indochinois, il avait fallu multiplier les terrains d’aviation à proximité des positions occupées. Les conditions géographiques ne permettaient pas toujours la réalisation d’une piste. C’est alors que le Médecin Général ROBERT réussi à vaincre l’obstacle financier avec les propres fonds de son Service de Santé et put acquérir deux Hiller 360.
A l’époque, en 1949, la France ne fabriquait pas encore d’hélicoptères, par contre Westland, en Grande Bretagne, construisait sous licence le Sikorsky S 51 et tentait avec beaucoup de difficultés d’adapter son moteur Alvis Leonides de 535 cv pour remplacer le Pratt & Whitney d’origine qui ne développait que 455 cv.
Quatre constructeurs étaient en concurrence, Sikorsky, Bell, Piasecki et Hiller. Sikorsky et Piasecki furent écartés car ils ne fabriquaient que des appareils lourds. Entre le Bell 47 et le Hiller 360, le choix fut difficile ; tous deux étaient équipés de moteurs Franklin de 178 cv qui leur conférait des performances équivalentes.
Évacuation blessé par Hiller 360 en Indochine - Photo DRLe Hiller fut retenu car plus connu en France où il excellait comme engin de publicité. Cet appareil d’un poids à vide de 660 kg pouvait transporter 360 kg à la vitesse de 100 km/h. Toutefois cette charge utile fut abaissée à 274 kg car la version sanitaire comportait deux civières placée de chaque côté de la cabine et pesant chacune 35 kg.
Pilote et blessés ne devaient pas excédés 240 kg pour permettre l’emport de 107 litres de carburant soit la capacité maximale du réservoir.
Malgré le risque du travail en surcharge, deux pilotes et quatre mécaniciens de l’Armée de l’air furent détachés pour permettre le travail opérationnel de ces hélicoptères.
De gauche à droite : Alan Bristow (Helicop-Air), X et Valérie André à Cormeilles-en-Vexin - Photo DRLes stages furent effectués chez Hélicop-Air, d’henry Boris avec entre autres comme instructeurs Alan Bristow et Gérard Henry.
Les deux premiers pilotes seront le lieutenant Alexis Santini et le sergent Raymond Fumat qui, entre novembre 1949 et mars 1950, vont s’initier aux vols bien spécifiques de l’hélicoptère.
Santini sera le premier à regagner SAIGON en avril 1950 à l’Escadrille de Liaison (ELA) N° 52. Ils seront les seuls a effectuer toutes les missions sanitaires. Puis vint un petit bout de femme, le médecin-capitaine Valérie André. Chirurgien, parachutiste, elle va tout faire pour devenir pilote d’hélicoptère. Après accord de ses autorités, elle va s’entraîner à Cormeilles-en-Vexin et sera lâchée sur Hiller H 23 (dénomination du Hiller 360 dans l’Armée américaine) le 11 août 1950.
De retour en Indochine, elle va en priorité s’occuper des blessés qu’on lui amène à l’hôpital. Elle ira participer à quelques évacuations sanitaires sur le Hiller avec Santini qui veut la lâcher en opérationnel lui-même. C’est le 16 mars 1952 qu’elle effectuera sa première évacuation sanitaire, seule à bord à Bat Nao. « Madame Ventilateur » était née.
Quelques années plus tard, Valérie, épousera son Moniteur sur le terrain, Alexis Santini.
L’Adjudant-chef Bartier viendra également renforcer l’équipe car le parc des hélicoptères va augmenter.
En effet, début 1952, le bilan était plus que satisfaisant. 200 missions de jour comme de nuit avaient été effectuées, soit 590 heures de vol avec l’évacuation de plus de 310 blessés.
Cette année-là, quatre nouveaux Hiller sont réceptionnés par l’Armée de l’Air, un appareil du même type est offert par la ville de Bordeaux et les Anciens du Corps Expéditionnaires.
Neuf Westland sont commandés en Angleterre et les équipages envoyés en stage. Le WS 51 avec son moteur de 520 cv, peut enlever trois ou quatre blessés et possède une autonomie de trois heures environ.
A partir de 1953, six Hiller équipés de moteurs de 200 cv sont versés à l’Armée de l’Air qui décide de transformer ses anciennes versions avec ce nouveau moteur.

A partir d’octobre 1953, dix-huit Sikorsky S-55 sont livrés. Ces appareils équipés de moteurs de 700 cv pouvaient transporter six blessés couchés, possédaient une autonomie de 4 heures pour une distance franchissable de 500 km.
Ces appareils rendront de nombreux services lors de la Bataille de Dien Bien Phu pour l’évacuation de nombreux blessés et finiront par le Transport des Membres de la Commission d’Armistice.
Au début de l’année 1954, l’Armée de l’Air décidera de réduire sa flotte d’hélicoptères au profit de l’A.L.A.T.
Les pilotes et mécaniciens de l’Armée de Terre seront instruits dans les Écoles Civiles Françaises puis mis en condition opérationnelle en Indochine.
Dien Bien Phu tomba le 8 mai 1954 et le cessez-le-feu intervint le 26 juillet.
L’épisode Indochine vient de s’achever, les équipages vont vivre une nouvelle aventure dans un autre pays : l’Algérie..

Philippe Joly, Président de l'Amicale de la Sécurité Civile et Valérie André devant le HillerAvant de mettre en évidence le bilan, j’aimerai rendre une sorte d’hommages aux Chasseurs qui avaient pour mission d’escorter les « Ventilateurs », aux Convoyeuses de l’Air qui étaient chargées d’assister les blessés lors de leur arrivée par les airs et enfin aux IPSA (Infirmières, Pilotes, Secouristes de l’Air), dont on ne parle pas souvent, et qui elles, régulièrement seules à bord, s’occupaient du rapatriement de ces derniers sur des avions de lignes telle la TAI (Transports Aériens Internationaux) vers des hôpitaux mieux équipés à travers le monde tout en prodiguant le réconfort et les soins nécessaires. Emmanuella DE CERTAINE fut une de ces jeunes femmes et a cumulé bon nombre d’heures de vol dans des conditions parfois très difficiles, voire quelques fois dramatiques.
Un grand merci et bravo !
Peinture "EVASAN avec un Hiller en Indochine" auteur inconnu - Tableau accroché chez le général Valérie André en 1976 - Photo INA

LE BILAN DES HÉLICOPTÈRES EN INDOCHINE

• Heures de vol : 9561 heures 45 mn
• Heures de vol opérationnel : 7300 heures 05 mn
• Blessés évacués : 11 193
• Pilotes sauvés en zone rebelle : 38
• Évadés de Dien Bien Phu récupérés : 80

Vos commentaires

  • Le 13 décembre 2018 à 22:28, par JOLY Christian En réponse à : Hélicoptères en Indochine

    Une lacune dans l’historique de l’article. Le rôle de SANTINI est incontestable et a le grand mérite de convaincre le commandement de l’armée de l’Air de se doter enfin d’appareils. Il recrute alors trois pilotes volontaires expérimentés faisant en Indochine des évacuations sanitaires en avions légers (type trapanelle) et les envoie faire leur formation de pilotage hélicoptère à Toussus le Noble. Il dote ces trois pilotes de trois appareils militaires (donc les trois premiers de l’Armée de l’Air) qu’ils doivent ramener en Indochine après l’obtention de leurs brevet. Ces trois pilotes seront donc les trois premiers brevetés officiels de l’Armée de l’Air (les autres armes avaient anticipé !!!!). Les trois obtiennent leur "LACHER" mais l’un d’entre eux se tue en raison d’une panne moteur à Toussus le Noble, un autre est hospitalisé au Val de Grace parcequ’atteint de la "Bourbouille" contractée en Indochine. Seul le troisième remplit la condition de validation de son brevet en retournant en Indochine sous les ordres de SANTINI : il s’agit de mon propre père dont les états de service sont connus et répertoriés. Il s’appelait CHARLES JOLY et fut le premier commandant de bord pour Hélicoptère promu par l’Armée de l’Air. Je reste à votre disposition pour tous rectificatifs complémentaires. Bien respectueusement.

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